Laura

« Stoppés net » est une série de portraits destinée à mettre en valeur les personnes dont l’activité a été freinée, voire interrompue, par la pandémie de COVID-19 et les mesures appliquées pour lutter contre celle-ci.
Elle est réalisée en collaboration avec Maud Guye-Vuillème, photographe, et Raphaël Dupertuis, fondateur de Made in Vaud.

En cette période de pandémie, l’art est probablement l’un des domaines les plus touchés. Privés de public, les artistes sont forcés de patienter ou de se réinventer.
Rencontre avec Laura Gambarini, fondatrice de la Compagnie du Botte-Cul, dont le but est d’amener l’art du théâtre dans la rue.

Comment es-tu venue au théâtre de rue ?
À l’époque, j’étais étudiante en lettres à l’Université de Lausanne. J’étais déjà passionnée de littérature, un art qui a une grande influence sur ma vie.
Lors d’un échange à Berlin, le programme proposait un cours de mime et je me suis dit que cela pourrait être sympa d’essayer, pour le fun. Et là, j’ai pris une vraie claque. Moi qui adore parler et m’exprimer, le mime me permettait de communiquer avec tout le monde, peu importe la langue… comme un langage universel ! On se moquait de moi car je suis connue pour beaucoup parler, alors faire des gestes et rester silencieuse c’était un peu paradoxal !
Sur le moment, j’ai tellement croché que j’ai même hésité à arrêter mes études pour m’y consacrer complètement. Mais après réflexion, j’ai choisi de rédiger mon mémoire et de terminer mon cursus initial à Lausanne puis de retourner à Berlin. Là-bas, j’ai pratiqué le mime corporel en suivant les cours d’un professeur renommé.

Comment est née la Compagnie du Botte-Cul ?
Après quatre ans à Berlin, je suis revenue en Suisse et j’ai senti l’appel de la rue, alors j’ai commencé à mettre des projets sur pied. J’ai monté le Cirque du Botte-cul, un spectacle en extérieur. Pour la première représentation, ils annonçaient de la pluie, alors j’ai réfléchi à un moyen de protéger le public. J’ai eu l’idée de créer un chapiteau sous un parapluie. Ça a bien marché, j’ai pas mal tourné en Europe et c’est un peu devenu ma marque de fabrique.
Ce parapluie rapproche les gens, au point que deux spectateurs rencontrés dessous y sont tombés amoureux et se sont mariés !

La rue, c’est un challenge car quand le spectateur en a marre, il part, tout simplement.

Quelles spécificités présente le fait de jouer dans la rue ? Est-ce plus facile ou plus dur que devant des centaines de spectateurs assis ?
La rue, c’est un challenge car quand le spectateur en a marre, il part, tout simplement. Il n’est pas là pour nous, on doit donc donner toutes nos tripes pour qu’il reste le plus longtemps possible, pour l’embarquer avec nous. Il y a aussi les personnes alcoolisées, les sirènes des ambulances, les chiens… On a une vision à mille-huitante degrés – trois fois le tour de notre tête – pour tout gérer et anticiper. Il y a toujours des « accidents », ces petits imprévus qui nous obligent à improviser. C’est super excitant ! Il y a un partage avec le public, parce qu’on le voit de près, sans pénombre.
La question, ce n’est pas pour qui je vais jouer, mais avec qui je vais jouer, car mon public est mon partenaire de jeu.

La rue c’est un peu ma maison, j m’y sens bien. C’est risqué, improbable, mais il y a des moments magiques qui rendent chaque fois unique et magique.

Que ressens-tu de ne plus pouvoir exercer ta passion depuis plus d’une année ?
Tout ce côté généreux de mon activité, tout ce que j’aime en temps normal, ça me manque horriblement : ne pas rencontrer le public, les artistes, les organisateurs de festivals… Tous ces gens qui ont fait le choix de vivre de leur passion, qui rendent tout ça incroyable.
Mais on n’a pas d’autre choix que de comprendre et d’attendre que l’on puisse à nouveau se produire. Tu ne fais pas un métier comme ça par défaut, si tu le choisis, tu assumes tous les bonheurs mais aussi tous les risques.

Comment vois-tu ces prochains mois ?
De manière plutôt positive ! On va se recentrer fortement au niveau local. Pendant l’été 2020, j’ai organisé un spectacle pour mon petit village (ndlr: Yens, près de Morges). C’était un moment magique ! On a transformé le verger, installé des lampions, les producteurs locaux vendaient leurs produits… Les gens veulent qu’on refasse ça cette année et je vais le faire avec plaisir si on nous y autorise.

Ce genre d’initiative locale, c’est à mon avis un retour aux sources. Cela permet de rencontrer les gens qui font de l’art dans la région. C’est très précieux. Le théâtre de rue c’est pour toutes et tous, ça doit être accessible même en milieu rural, dans un petit village, pour proposer une proposition culturelle de qualité.

Et puis dans le contexte actuel, plus c’est local, plus on a de chances que cela puisse se produire.

Avant, je jouais principalement à l’étranger. À l’avenir, même si je continuerai à bouger un peu, j’essayerai de miser d’avantage sur le local.

Et as-tu pensé à te produire en ligne ?
Oui, j’y ai songé, mais j’ai rapidement renoncé à faire des performances en ligne car c’est à l’opposé de ce que je fais, tout ce que j’aime me manquerait trop : la proximité, la chaleur…
Faire des lives sur les réseaux sociaux, c’est un véritable métier qui ne s’improvise pas.

Comment envisages-tu la reprise ?
J’ai des spectacles qui se jouent très bien devant un public à taille raisonnable. Du coup cela augmente les chances de pouvoir les jouer quand les mesures commenceront à s’assouplir. C’est un choix et une chance d’avoir des audiences de taille raisonnable. Je n’ai pas besoin de mille personnes pour jouer.
Bien-sûr, je n’exclus pas de le faire si l’occasion se présente, mais mes inspirations du moment sont plutôt intimistes.

Ce moment magique de la rencontre entre une oeuvre et des spectateurs me manque terriblement. Il y a quelque chose qui se passe qu’on ne peut pas définir, c’est au-delà des mots. C’est tout simplement magique que j’aie pu en faire mon métier.
Donc ce que je souhaite pour la suite ? Tout simplement jouer !

Photos: @ Maud Guye-Vuillème

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